Depuis longtemps, la marque JavaScript fait sujet à débat entre la communauté JavaScript et l'entreprise Oracle. En 2022, Ryan Dahl, le créateur de Node.js et Deno, implorait l'entreprise de publier la marque JavaScript dans le domaine public. Il déclarait : "La marque n'a aucune valeur commerciale. Oracle n'a aucun produit utilisant la marque... Oracle ne participe même pas au développement d'aucun des moteurs JavaScript... Néanmoins, la marque est un nuage sombre qui plane sur le langage de programmation le plus populaire au monde. Des ingénieurs attentifs et respectueux des lois se mettent en quatre pour éviter son utilisation... Oracle, veuillez libérer la marque JavaScript."
Pour mieux comprendre la situation, Oracle a reçu la marque JavaScript lors de l'acquisition de Sun en 2010. Les marques de commerce empêchent les produits d'être copiés par des concurrents et de se faire passer pour de vrais produits. Par exemple, lorsque Microsoft a proposé une implémentation JavaScript pour Internet Explorer, il a appelé le langage JScript et a ensuite créé une version .NET. Autre exemple, pour normaliser le langage, ECMAScript a été choisi comme nom neutre, bien que Brendan Eich, l'inventeur de JavaScript lui-même, ait déclaré que "ECMAScript a toujours été un nom commercial indésirable qui ressemble à une maladie de la peau".
A la suite de la déclaration de Dahl, le conflit entre la communauté JavaScript et Oracle a pris d'autres tournants. En septembre 2024, une lettre de pétition a été adressée à Oracle, demandant à l'entreprise de libérer la marque JavaScript. Selon la loi, une marque est abandonnée si elle n'est pas utilisée ou si elle devient un terme générique. Les auteurs de la lettre affirment que ces deux cas de figure s'appliqueraient à JavaScript, montrant qu'Oracle a "depuis longtemps abandonné la marque JavaScript". Ils ont également prévenu qu'ils contesteront la marque en déposant une demande d'annulation auprès de l'USPTO si Oracle décide de faire silence. Plus de 14 000 développeurs ont signé la lettre.
En novembre 2024, la demande d'annulation de la marque JavaScript d'Oracle a été déposée par Deno. Oracle avait jusqu'au 4 janvier 2025 pour répondre. S'il n'agissait pas, l'affaire serait mise en défaut et la marque probablement annulée. Ryan Dahl qualifiait cette étape de "cruciale" pour libérer "JavaScript" des problèmes juridiques et le reconnaître comme un bien public partagé. Il avait également prévenu : "si Oracle choisit de se battre, nous sommes prêts."
Le 7 janvier 2025, de nouvelles informations ont révélé la situation de ce conflit. Dans un message sur la plateforme de médias sociaux X, Deno a déclaré qu'Oracle ne retirera pas volontairement la marque JavaScript :
#FreeJavaScript Mise à jour : Oracle nous a informés qu'ils ne retireront pas volontairement leur marque déposée sur « JavaScript ». Prochainement : ils déposeront leur réponse et nous commencerons la découverte pour montrer comment « JavaScript » est largement reconnu comme un terme générique et n'est pas contrôlé par Oracle.
Cette réponse n'aiderait pas Oracle à remonter sa cote auprès du milieu informatique. Parmi les problèmes d'Oracle avec la communauté informatique, on peut citer l'affaire judiciaire d'octobre 2024, l'accusant d'avoir établi un "labyrinthe" d'options cachées dans ses contrats, entraînant des obligations financières injustes pour ses clients. L'action collective de Realogic affirme avoir été trompée sur les fonctionnalités d'un logiciel acquis, soutenant qu'Oracle n'a pas respecté ses engagements contractuels et que les termes du contrat étaient obscurs et basés sur des documents "cachés".#FreeJavaScript update: Oracle has informed us they won’t voluntarily withdraw their trademark on "JavaScript". Next: they’ll file their Answer and we’ll start discovery to show how "JavaScript" is widely recognized as a generic term and not controlled by Oracle. pic.twitter.com/0UQEbpC73e
— Deno (@deno_land) January 7, 2025
Mais Oracle a rejeté ces allégations et a demandé soit le rejet de l'affaire, soit son transfert vers un tribunal californien. La société soutient que ces plaintes sont infondées et que les conditions contractuelles étaient claires. Ce litige fait écho à une affaire précédente où des clients d'Oracle avaient également rencontré des difficultés de compréhension des contrats.
Autre affaire qui entache la réputation d'Oracle pour des pratiques "sombres" et "cachées", en 2022, la société a fait l'objet d'une action collective pour avoir pisté cinq milliards de personnes. L'action en justice visait à arrêter sa machine de surveillance mondiale. Si la plainte n'est pas très claire, certains analystes estiment que cela pourrait être dû en grande partie au fait que TikTok a déplacé son trafic américain vers l'infrastructure cloud d'Oracle.
Les auteurs de la plainte ont donné plus d'information, l'un déclarant que "bien qu'il ait pris des mesures importantes pour préserver sa vie privée en ligne et hors ligne", il a reçu un document "indiquant qu'Oracle avait suivi, compilé et analysé sa navigation sur le Web et d'autres activités et avait ainsi créé un profil électronique sur lui". Une autre plaignante ajoutait qu'elle avait "visité des sites web où ses communications électroniques ont été interceptées par l'utilisation du code JavaScript d'Oracle" et qu'Oracle "continue à suivre son activité en ligne et hors ligne, à enrichir son profil et à mettre ses informations personnelles à la disposition de tiers sans son consentement".
Outre ces problèmes de justice, les projets d'Oracle ne se soldent pas toujours par des réussites éblouissantes. Pour rappel, en février 2024, le conseil municipal de Birmingham a envisagé d’abandonner Oracle comme son principal logiciel de gestion des ressources humaines et de planification des ressources d’entreprise, après une mise en œuvre désastreuse qui l’a empêché de déposer des comptes vérifiables, avec un budget passant de 20 millions de livres (23,4 millions d'euros) à 131 millions de livres (153,3 millions d'euros). Une augmentation qui représente 6 fois le coût initial prévu.
Ces différents rapports permettent d'avoir une idée sur les pratiques d'Oracle. Si Oracle continue de suivre sa ligne de conduite, il semblerait qu'on se dirige vers une nouvelle bataille juridique concernant la marque Javascript.
Source : Deno
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Voir aussi :
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